Le Festival Lumière propose chaque année un ciné-concert, événement où se croisent cinéphiles et amoureux de musique classique et qui tient autant du concert classique que de la séance de cinéma. L’Écornifleur s’est glissé dans les coulisses de l’auditorium pour assister à la répétition générale de « La Roue » d’Abel Gance, film sorti en 1923 qui sera présenté au public samedi 19 et dimanche 20 octobre.

L’immense salle de concert de l’auditorium est entièrement plongée dans le noir, l’atmosphère rappelle celle d’une salle de cinéma. Seul le chef d’orchestre est visible, éclairé par une unique lampe. Il est entouré de quatre-vingts musiciens mais il est difficile de les distinguer dans la pénombre. Contrairement à un concert classique, les regards ne se portent pas sur eux, mais sur les images en noir et blanc qui défilent au-dessus de leurs têtes. Il s’agit du film « La Roue » d’Abel Gance, chef-d’œuvre du cinéma muet dont la copie restaurée doit être présentée au public en avant-première samedi et dimanche.

La version de travail est minutée pour faciliter le travail du chef d’orchestre. © Amandine Miallier

C’est le quatrième jour de répétition, et la première fois que les musiciens jouent pendant que le film est projeté. La plupart n’ont jamais vu le film, et profitent de chaque moment de répit pour essayer de grappiller quelques images. « C’est très étrange pour eux », explique le chef d’orchestre, Frank Strobel. « Ils tournent le dos au film, je suis le seul à pouvoir le voir ». L’ambiance est détendue. Quelques rires fusent, le chef d’orchestre quitte un instant sa partition des yeux pour donner des indications aux musiciens, sans que jamais la musique ne cesse.

Plus exigeant qu’une symphonie

Seul face au film, il est responsable de la synchronisation avec les musiciens. « Cela demande beaucoup de concentration, davantage que pour jouer une symphonie, et c’est très fatigant ». La fatigue se fait également ressentir chez les musiciens. En cause, la durée du film : sept heures. Il sera d’ailleurs joué en deux parties, samedi 19 et dimanche 20 octobre. « Habituellement, un concert dure deux heures, avec l’entracte. Là, nous jouerons quatre heures, deux jours de suite. Et encore, ce n’est rien : pour l’avant-première mondiale de « La Roue », à Berlin, nous avons joué les sept heures d’affilée ! » s’amuse Frank Strobel.

En blanc, le chef d’orchestre Frank Strobel est la personne la mieux visible. © Amandine Miallier

Le chef d’orchestre, vêtu d’une sobre chemise blanche, est volubile et passionné par le cinéma muet. De nationalité allemande, il a littéralement grandi dans un cinéma, celui de ses parents. « C’est comme cela que j’ai pris conscience de l’importance de la musique dans un film », confie-t-il. Celle-ci donne en effet vie aux films muets. À l’écran, les personnages s’agitent silencieusement. Les dialogues apparaissent sur des cartons, intercalés entre les scènes. Parfois, quelques citations apparaissent : Blaise Cendrars, Rudyard Kipling ou encore Charles Baudelaire sont ainsi convoqués. On retrouve également un peu de Zola dans ce film, notamment dans la relation entre l’homme et la machine.

Les projectionnistes pour premier public

Le public du jour se compose en tout et pour tout de trois personnes, les projectionnistes. L’un d’eux, Benoît, aime sortir de la régie pour venir écouter les musiciens. Il en profite pour repérer les réglages qui doivent être faits. La version projetée est une version de travail, minutée pour faciliter le travail du chef d’orchestre.

A l’intérieur de la régie, l’atmosphère est bien différente. Le vidéoprojecteur est énorme, très bruyant, et dégage tellement de chaleur que l’air chaud doit être évacué à l’aide d’énormes tuyaux. Juste à côté se trouve un vidéoprojecteur de secours, prêt à remplacer le premier en cas de problème technique. Tout ce matériel a été transporté spécialement pour l’événement. « Dans deux jours, nous remballons tout », glisse Benoît.

Amandine Miallier