Depuis son enfance au Chili, Javiera Canales, 32 ans, est passionnée du ballon rond. En 2019, cette passion la suivra dans ses valises pour la France, lui permettant de s’intégrer par le biais d’un projet sportif et militant : Les Lyonnasses. Portrait.

Javiera Canales, vice-présidente des Lyonnasses, le soir de l’accueil des nouvelles adhérentes au Stade Marc-Vivien Foé, dans le t-shirt officiel de l’association. ©Léa Houël

« On va commencer par se présenter, prénom et pronoms, c’est parti ? » En cette période de reprise des activités sportives, Javiera Canales, vice-présidente de l’association de football militant Les Lyonnasses accueille les nouvelles adhérentes. Elles sont plus d’une dizaine à se présenter ce soir. « Moi c’est Javi, elle », ajoute-t-elle, ballon au pied. Arrivée du Chili en 2019, elle y a étudié la philosophie avant d’intégrer le Master Egal’Aps de l’Université Lyon 1 qui s’intéresse aux questions du genre et du sport, dans le but de mettre en place des politiques d’égalité dans les structures sportives. C’est l’accent encore chantant du Chili que la bénévole explique : « l’asso a été très importante pour m’intégrer », tout d’abord parce qu’elle véhicule sa passion du football, mais aussi parce qu’elle se retrouve dans ses valeurs, en témoigne son t-shirt estampillé du logo de l’association et des termes : « Partage, respect, football, tous.tes, cohésion, fairplay, liberté, passion. »

« Mes premiers souvenirs de la vie c’est d’être au stade » 

Pour Javiera Canales, une vie sans football est assez difficile à imaginer. Au Chili déjà, ce sport avait une place importante dans sa famille. Elle évoque alors son père, ce grand « fanatique » de football, l’une des premières personnes à l’y avoir introduite, « il me ramenait au foot alors que j’avais que trois ou quatre ans. » Pourtant à huit ans, elle croit comprendre qu’il ne s’agissait peut-être pas d’un sport pour les femmes « petite je n’ai jamais vu un joueuse de football à la TV. » Mais cet attrait du ballon rond restera dans un coin de sa tête, elle renouera avec sa passion à l’Université du Chili, alors qu’elle entame une licence de philosophie, « il y avait une équipe de femmes, c’est la première fois que j’en voyais une. Je l’ai immédiatement rejointe ! » se souvient-elle encore le sourire aux lèvres.

« Pourquoi ne pas développer une association ? »

C’est en 2019, après une licence de philosophie l’Université du Chili et un échange à l’Université Paris 8, que Javiera Canales revient en France. Dans le cadre du dispositif Sport dans la Ville à Lyon – association promouvant l’insertion professionnelle et sociale des jeunes par le sport – elle s’associe à un groupe de filles qui jouent au football pour le plaisir. Elles organisent des « fives » (des rencontres cinq contre cinq), mais elles se rendent vite compte qu’elles ont davantage envie de jouer. « Alors pourquoi ne pas développer une association ? », propose Javiera Canales. C’est pourquoi en 2020, elles créent ensemble Les Lyonnasses, association dont l’objectif principal est de développer le football féminin et de donner une place aux personnes non cisgenre pour jouer, « le foot c’est un espace de loisir, mais aussi un espace d’inclusion. », commente-t-elle. Cette inclusivité est particulièrement importante pour Javiera Canales, elle estime qu’aujourd’hui, les discriminations de genre sont tellement normalisées dans le football qu’on ne les voit même plus, elle explique par exemple : « on ne nous donne pas les terrains, il faut être la meilleure et tout connaître au football pour être validée. Si on était des hommes ça ne serait jamais arrivé. »

L’association va jouer un rôle majeur dans l’intégration de la Chilienne à Lyon, et sera en toile de fond de la majorité de ce qu’elle entreprend. Cet été par exemple, durant l’Euro de football féminin, Javiera Canales et ses coéquipières se sont démenées auprès des commerçants lyonnais pour mettre en place des « fanzones », ces espaces permettant aux supporters de se réunir autour d’écrans géants lors des manifestations sportives. En se comparant avec ses autres amis venus en France, elle constate une grande différence dans leur intégration, et ajoute que Les Lyonnasses en est en grande partie responsable, « j’ai connu beaucoup d’ami grâce au foot, sourie-t-elle à ses coéquipières, même mon Master je l’ai connu au foot. » Valentine, membre de l’association et amie de Javiera souligne admirative « Pour une meuf pas française, malgré la barrière de la langue et la barrière sociale, Javi s’est super bien intégrée dans les activités locales de Lyon. »

Aujourd’hui, une journée sans football n’est plus envisageable pour Javiera Canales. En parallèle des deux entrainements hebdomadaires des Lyonnasses, elle ne manquerait aucun match à la télévision, et profite du temps libre qui lui reste pour jouer à FIFA, célèbre jeu de simulation de football, sur sa console. « Cet été j’ai passé trois semaines sans jouer au foot, c’était dur ! » confesse-t-elle, alors prête à rejoindre ses coéquipières pour l’habituelle et conviviale « troisième mi-temps. »

Léa Houël