Actrice puis femme politique, Melina Mercouri a déjoué tous les carcans que la société aurait pu lui imposer. Née en Grèce, francophone et morte à New York, elle fut une figure internationale aux multiples talents, guidée par une soif de liberté. « Tout est ‘trop’ chez moi. J’aurais voulu chanter comme la Callas et danser comme Noureev », écrivait-elle dans son autobiographie. « Je veux être présidente, je veux un Oscar, je veux être dompteuse de lions, constructrice de ponts, et je veux chanter une chanson que tout le monde chanterait. J’ai un appétit sans fin. » En Grèce, l’année 2020 a été proclamée ‘Année Melina Mercouri’ par la ministre de la Culture Lina Mendoni, pour marquer le centenaire de la naissance de cette femme indomptable qui a durablement marqué le monde de la culture.

Melina Mercouri en 1968 à Amsterdam. © Jac de Nijs / Archives nationales néerlandaises

Esprit libre

Née le 18 octobre 1920 à Athènes, María Amalía Merkoúri grandit au sein de la bourgeoisie athénienne. Son grand-père était d’ailleurs maire d’Athènes, et son père député. Dès son plus jeune âge, elle rêve déjà d’être sous le feu des projecteurs. « J’avais 10 ans. Je m’étais attifée avec des robes de ma mère, j’étais entrée hardiment dans un café qui m’était interdit, et je m’étais mise à danser ».
Elle est encore très jeune quand elle épouse Panis Characopos, un fils de famille séduisant et fortuné, diplômé de Cambridge. Cette union, c’est surtout pour elle l’occasion d’échapper à sa famille conservatrice, et de goûter à la liberté. Son mari va notamment lui faire découvrir l’univers du théâtre parisien.

« Théâtre et cinéma sont ma respiration »

Elle sort diplômée de l’Institut dramatique du théâtre national de Grèce en 1944. De Electre à Macbeth, elle incarnera les plus grandes héroïnes de l’histoire du théâtre. Femme indépendante jusque dans ses personnages, Melina Mercouri ne choisit pas ses rôles au hasard : des femmes fortes, sensuelles et authentiques. Tout en restant fière de ses origines. Une manière de montrer aussi une nouvelle image de son pays. « On dit qu’on ne peut servir deux maîtres à la fois. J’en ai trois. J’aime la Grèce d’amour. C’est dans mon sang. Théâtre et cinéma sont ma respiration. »

Elle fait ses premiers pas au cinéma en Grèce, avec Stella, femme libre (1955) de Michael Cacoyannis. Mais sa rencontre avec le réalisateur américain Jules Dassin – père de trois enfants dont Joe Dassin – est sans doute le moment décisif qui va faire basculer sa carrière, et sa vie. Melina Mercouri va devenir sa muse : il la fait tourner dans huit films. Elle deviendra également sa femme en 1966. Un coup de foudre professionnel et amoureux.
Avec Jamais le dimanche (1960), ils atteignent tous deux l’apogée de leur carrière internationale. Melina Mercouri obtient le prix d’interprétation au Festival de Cannes. Grâce à ce film, le public découvre aussi sa voix rauque et envoûtante. Une diva comme on n’en trouve plus. Sa chanson « Les Enfants du Pirée », écrite par Manos Hadjidakis, reçoit l’Oscar de la meilleure chanson originale. Au fur et à mesure de sa carrière, elle multiplie aussi les nominations aux Golden Globes, aux BAFTA ou bien aux Tony Awards.

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Melina Mercouri dans Jamais le dimanche de Jules Dassin (1960)

« Je suis née grecque et je mourrai grecque »

« Mon plus grand amour, c’est la Grèce. Mais c’est mon amour pour la Grèce qui m’interdit d’y revenir pour le moment. » En 1967, un coup d’État militaire éclate en Grèce. Elle se lance alors dans une campagne de communication à travers le monde pour informer sur la situation dans son pays natal, et devient la porte-parole de la résistance à la dictature des colonels. Ce qui la prive de ses droits civiques et l’oblige à s’exiler en France. Lorsqu’elle apprend que le général Pattakos l’a déchue de sa nationalité, elle déclare : « Je suis née grecque et je mourrai grecque. Monsieur Pattakos est né fasciste. Il mourra fasciste. »

Malgré le superbe play-back, Melina Mercouri met toute sa passion dans sa prestation. Une performance qui suffit à apprécier son jeu d’actrice très expressif.

En 1974, dès la fin du régime militaire, elle revient dans son pays et abandonne progressivement le cinéma pour se consacrer la politique. Melina Mercouri fut d’abord une des fondatrices du Mouvement Socialiste Panhellénique, un parti de centre-gauche. En 1978, elle devient la première femme députée du Pirée. Elle est ensuite nommée Ministre de la Culture et des Sports en 1981. La première femme à ce poste également. Elle était d’ailleurs engagée dans les mouvements féministes. Elle occupera deux fois ce poste de Ministre, jusqu’à sa mort.

Une carrière politique dédiée à la culture

Au ministère de la Culture, Melina Mercouri use de sa renommée internationale pour dialoguer avec ses collègues européens et promouvoir son pays. Parmi ses accomplissements, le libre accès aux musées et aux sites archéologiques pour les citoyens grecs, la restauration de bâtiments ou la création d’un parc culturel dans la mer Égée.
Mais elle se bat surtout pour faire revenir en Grèce les frises en marbre du Parthénon, volées sur l’Acropole par les Anglais et conservées au British Museum. Pour Melina Mercouri, les marbres n’étaient pas de simples œuvres d’art, mais un élément essentiel du patrimoine grec, directement lié à l’identité culturelle. « Vous devez comprendre ce que les marbres du Parthénon signifient pour nous. Ils sont notre fierté. Ils sont nos sacrifices. Ils sont notre plus noble symbole d’excellence. Ils sont un hommage à la philosophie démocratique. Ils sont nos aspirations et notre nom. Ils sont l’essence de la Grèce. » Mais son combat est resté vain…

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Convaincue de l’importance de la construction européenne, elle invite en 1983 les ministres de la culture des neuf autres États membres de l’Union européenne, afin d’accroître la sensibilisation culturelle des citoyens. Ce qui a conduit à l’établissement de sessions formelles entre les ministres de l’Union, le traité de Rome ne faisant pas référence aux questions culturelles. Melina Mercouri continue d’incarner l’image d’une femme engagée et indépendante.
Mais un de ses grands succès est sans doute d’avoir créé, en 1985, le concept des capitales européennes de la culture. Un manière de contribuer au rapprochement européen, en désignant chaque année deux villes qui accueillent des événements pour mettre en lumière leur patrimoine. La première ville mise à l’honneur est Athènes, évidemment.

Très grande fumeuse, elle meurt le 6 mars 1994 à New York, à 73 ans, des suites d’un cancer des poumons. A l’annonce de sa mort, la Grèce décrète une semaine de deuil national. Une fondation à son nom soutient désormais la préservation des monuments antiques en Grèce. Un prix de l’UNESCO est également établi à son nom et récompense les grandes actions de sauvegarde du paysage culturel mondial. Parfois qualifiée de « dernière héroïne grecque », Melina Mercouri est ainsi devenue un symbole de la défense de la culture grecque et, plus encore, de la liberté et de la démocratie.

La vie de Melina Mercouri en quelques dates

Séance spéciale en musique en hommage à Melina Mercouri : jeudi 15 octobre à 17h15 – Institut Lumière