Du scénario à la projection (6/12). À l’occasion du Festival Lumière, L’Écornifleur s’est glissé dans les coulisses du cinéma, pour un tour d’horizon de ses métiers. Découvrez Faustina De Sousa, ses origines corses, son parcours et sa passion pour son métier de « l’invisible ».

Faustina De Sousa pinceau en main au Bistrot Bondy. Photo Elise Carrel

Attablée autour d’un café dans un bistrot du Vieux Lyon, Faustina confie avoir toujours eu envie d’être maquilleuse,  à commencer par la réalisation d’effets spéciaux (fausses blessures, peau vieillie, métamorphoses…). Enfants, elle et son frère étaient fascinés devant les « making of, de Jurassic Park aux Gremlins ». 

À 37 ans, cette maquilleuse de cinéma se voit comme « la ninja incognito des plateaux, l’éponge émotionnelle et la nounou des comédiens ». Faustina doit être discrète mais présente. Elle observe tout, tout le temps : « Quand le travail fonctionne c’est qu’il est invisible. » Le réalisateur Thierry de Peretti l’avait d’ailleurs remerciée à la fin du tournage du film À son image (2024), dans sa Corse natale, pour la qualité de son travail, précisément parce qu’il était « invisible »

Un tournage c’est éreintant, elle peut commencer à 4h du matin, rester quinze heures d’affilée debout. « En général je finis avec les jambes raides comme des poteaux », dit-elle avec ironie. Mais parmi les multiples  « challenges » qui s’imposent à elle, le plus important reste l’établissement d’une relation de confiance avec les comédiens. Il faut par exemple, savoir naviguer entre deux « dramas » : la « moustache de la discorde » ou « Berléand fortement soupçonné de mythonner sur ses allergies ». Travailler dans le cinéma, c’est aussi vivre en vase clos, avec les mêmes personnes, pendant plusieurs semaines, voire mois. 

Le matin, l’équipe « HMC », habillage, maquillage, coiffure, est la première à entrer en contact avec les comédiens. Si Faustina a le privilège d’avoir accès « aux coulisses de leurs vies », elle doit surtout « faire en sorte qu’une fois sortis des loges, ils ne pensent qu’à leur rôle ». Une fois prêts les artistes sont : « Un peu comme des lions qui rentrent dans une arène. »

Puis, il faut se raccorder à la lumière, au retour caméra, à la vision du réalisateur et faire plusieurs propositions, « tout en respectant le confort des comédiens ». Faustina préserve leur peau du matin au soir : « C’est un peu comme de la maçonnerie, si les fondations ne sont pas solides, tout se casse la gueule ! »

« Faut avoir du tempérament »

Faustina quitte son île à quinze ans et débarque seule sur Lyon. En partant, elle promet à ses parents d’avoir de bonnes notes pour son CAP d’esthétique. Elle continue ensuite, sur sa lancée, dans une école d’arts appliqués, en attendant d’atteindre la majorité pour entrer à l’Institut technique de maquillage (ITM), sur Paris. Mais là-bas, c’est « le gros down ». Ne supportant plus la pression, la concurrence et le harcèlement, elle retrouve sa famille en Corse. Faustina ne se démonte pas pour autant, jamais. « Il faut avoir du tempérament, ça peut durer mille ans. Je veux être maquilleuse. C’est non négociable. », affirme-t-elle. 

Après avoir épluché tous les annuaires des formations, elle choisit de retourner sur Lyon pour intégrer l’atelier du Griffon, une école de maquillage et de perruquerie. Entre les professeurs passionnés et une promotion réduite avec qui elle s’entend bien, elle y vit sa meilleure année. 

Ensuite, « elle fait ses armes avec des amis d’écoles de ciné en tournant des courts-métrages ». « Il faut comprendre tous les métiers pour bien faire le sien, assure-t-elle. Dans les écoles on apprend pas ce qu’est un machiniste par exemple. » 

« Ah, on t’a vu au générique ! »

À l’âge adulte, s’imposent de nouvelles réalités. D’une part, la difficulté de refuser un contrat. Le statut d’intermittente du spectacle requiert 507 heures de travail en douze mois. « Je devais toujours tout compter, calculer », se souvient-elle. 

D’autre part, si enfant, elle penchait pour le maquillage FX [effets spéciaux, ndlr], elle lui préfère désormais la subtilité et le réalisme. « Ce que j’aime le plus par exemple, c’est reproduire les épaules rougies et tannées par le soleil d’un paysan alors que le mec est un pur parisien. »

Désormais bien implantée, Faustina demande systématiquement à ce que son adhésion à l’Association des maquilleurs et maquilleuses de cinéma (AMC) soit mentionnée dans le générique. Tant que le Festival de Cannes ne décernera pas de prix à sa profession, elle n’ira pas.La plus belle reconnaissance reste pour elle les mots de ses copains d’enfance qui ne s’intéressent pas vraiment à son monde, et qui, pourtant, saluent son art en lui indiquant : « Ah, on t’a vu au générique ! »