Alors qu’une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites a rassemblé des milliers de personnes dans les rues de Lyon, jeudi 6 février, L’Écornifleur a remonté le cortège.

Comme à leur habitude, les Gilets Jaunes ouvrent le bal du cortège. 6 février 2020 © Océane Trouillot.

“En France, le virus à craindre vraiment, ce n’est pas le coronavirus : c’est le Macronavirus !”. Cette comparaison faite par un manifestant au micro d’un camion de la CGT montre que, deux mois après le début de la mobilisation contre le projet de réforme des retraites, rien n’a changé. Ni la ténacité du gouvernement face à la contestation, ni la détermination des manifestants. C’est dans ce climat d’enlisement du conflit social que se tenait la neuvième journée de mobilisation interprofessionnelle, jeudi 6 février. Dans les rues de Lyon, 5.300 personnes ont manifesté selon la police, 8.000 selon les syndicats. On est loin des plus de 20.000 manifestants qui avaient défilé le 5 décembre. Pourtant, en remontant le cortège, ce sont toujours à peu près les mêmes que l’on retrouve.

“Ensemble, tout devient possible”

La banderole des Gilets Jaunes ouvre la marche, reprenant ironiquement le slogan de Nicolas Sarkozy en 2007 : “Ensemble, tout devient possible”. Dans son sillage, des écriteaux évoquent les retraites, d’autres rappellent un combat plus vaste, débuté il y a plus d’un an : “Unis pour la RICtoire”, “Dissolution de l’Assemblée Nationale”. Sur un gilet, on peut aussi lire “Où est Steve ?” (en référence à Steve Maia Caniço, décédé à Nantes en juin 2019 suite à une intervention de la police). Déjà, on entonne le slogan devenu classique : “Anti, anti, anticapitaliste !” A quelques pas d’un joueur de djembé, un manifestant brandit les mots: “On se radicalise”.

Derrière la banderole “On étudie, on travaille, on lutte ensemble”, viennent ensuite les étudiants et les universitaires, encore en nombre. Ils entonnent un autre slogan traditionnel aux mobilisations : “De l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat !”. A proximité d’une banderole intersyndicale, un manifestant porte une caisse de grève de la taille d’une tirelire.

Un peu plus loin, on lit : “Retraite minimaliste, riposte féministe“. Au milieu d’un groupe de femmes, émerge l’écriteau : “Les mémés veulent leur pognon“. La CGT Santé et action sociale suit et brandit les mots : “Non à la retraite des morts“. “C’est nous qui travaillons alors c’est nous qui décidons !”, entonnent désormais les manifestants.

Le secteur de la culture, venu en force, s’anime autour d’un groupe de musiciens. 6 février 2020 © Océane Trouillot.

Un camion de la CGT Energies crache « Un autre monde », de Téléphone. Quelques drapeaux arborant faucille et marteau annoncent le PCF. Un militant de Force Ouvrière assène dans un mégaphone que “la solidarité intergénérationnelle a fait ses preuves depuis des dizaines d’années”.

Au niveau du camion de la FSU, décoré de drapeaux et de ballons bleus, deux professeures revisitent des tubes, dans la bonne humeur générale : “Comme d’habitude, je vais en manif, comme d’habitude, je prends mon kiff, comme d’habitude, enfin je vais vivre, comme d’habitude”. En queue de peloton, des cheminots, le CNT, quelques militants de  la France Insoumise et Solidaires entonnent : “C’est pas les salariés, c’est pas les retraités qui nous coûtent cher, c’est les banquiers et les actionnaires”.

6 février 2020 © Océane Trouillot.

Tensions entre CRS et manifestants

Sur les coups de 11h30, le cortège est prêt à partir, depuis la Manufacture des Tabacs. Mais des tensions entre forces de l’ordre et manifestants émaillent vite la progression de la manifestation, notamment lors du passage du cortège dans le secteur de Saxe-Gambetta. Les CRS lancent une charge en direction des manifestants et font usage de grenades lacrymogènes, ce qui provoque un mouvement de foule. Les dégradations matérielles sont également nombreuses.
Malgré la répression et la baisse des effectifs, l’intersyndicale a d’ores et déjà annoncé la date de la prochaine journée de mobilisation contre la réforme des retraites : jeudi 20 février. Preuve que, si le mouvement perd en densité depuis décembre, le moral des troupes n’est pas entamé et ceux qui restent sont plus déterminés que jamais à battre le pavé, de semaines en semaines, pour défendre leur opposition au projet de réforme des retraites. Ou comme dirait la chanson entonnée par les enseignantes du syndicat FSU : “Et puis un autre jour viendra, moi je reviendrai, comme d’habitude…”.

Isabelle Missiaen et Océane Trouillot