De la bibliothèque au conseil municipal d’Augny (57), Marie-Pierre Comte, 69 ans, avance les pieds sur le terrain et la tête dans les dossiers brûlants. Portrait d’une militante EELV vent debout contre l’implantation d’Amazon en Moselle.

portrait militante
Marie-Pierre Comte, 69 ans, est conseillère municipale EELV et co-fondatrice du collectif Stop Amazon Augny. Photo/Danae Corte

Première rencontre avec Marie-Pierre dans son élément naturel, place de la République à Metz, lors de la manifestation contre la proposition de loi « sécurité globale ». Sur sa parka noire « taille homme », elle arbore un pin’s Europe Ecologie Les Verts et l’annonce d’emblée : « Vous savez, j’ai presque 70 ans et 55 ans de terrain. J’ai vu beaucoup de choses ». Quand elle n’est pas dans la rue, la membre de l’opposition verte au conseil municipal d’Augny (Moselle) passe son temps à prêcher une « écologie globale ». Depuis deux ans, elle enquête sur Amazon et milite contre son monde.

Son sujet de prédilection lui vaut régulièrement des interviews avec les journalistes des grands médias. Quand on l’aborde – si ce n’est pas elle qui le fait – « l’écolo du village » est intarissable. D’un verbe-fleuve, elle raconte ses débuts d’enquête sur les premiers projets de construction qui cachaient le nom de la multinationale, jusqu’aux tractages de riverains et le micro-lobbying auprès des élus locaux. Dans sa ville « de droite », elle pointe maintenant avec amertume l’endroit du grand local froid pas si loin derrière les arbres du joli parc Simon, à Augny : « vous voyez, c’est seulement maintenant que les gens réalisent le problème ». 

« Quand on naît avec une banderole dans la main, on la garde toute sa vie »

Son sens de l’engagement, Marie-Pierre le fait remonter à très loin. Née en novembre 1951 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, elle rejoint la France à 10 ans pour suivre la carrière de son père ingénieur. Sa famille protestante réémigrée au pays n’échappe pas à la discrimination religieuse et aux amalgames. De premières contestations face aux injustices, qui se soldent même de « quelques jours de renvoi » alors qu’elle est en sixième. Sa mère l’appelle « la raisonneuse, parce qu’il fallait tout m’expliquer », s’amuse-t-elle. Un peu plus tard à la télé, elle suit la guerre au Vietnam, puis les prémices du conflit israélo-palestinien, et ses opinions politiques se forgent.

C’est tout naturellement qu’elle part en stop pour assister aux manifestations de mai 68 à Paris. Pour « balancer des pavés sur les flics », précise-t-elle, mais surtout : « pour la liberté d’aller à l’école en pantalon ». L’indignation est pour elle inscrite : « Je pense que quand on naît avec une banderole dans la main, on la garde toute sa vie ». 

La vie faisant, la religion aussi, Marie-Pierre se marie à 18 ans. De cette union, elle aura six enfants, à qui elle essaiera d’inculquer « l’art, la musique et la culture ». Elle s’installe à Augny avec son mari officier parachutiste en 1978 où elle poursuit des activités associatives dans l’aide à la personne et le catéchisme. Un engagement perpétuel mais « personnel » qu’elle évoque avec pudeur. Puis, en 2004 et un divorce prononcé, sa vie prend un tournant « libérateur » : elle commence à travailler à la bibliothèque d’Augny et à élargir ses horizons.

« Lisez le dossier ! »

Engagée dans l’associatif, ses années passées à la Ligue de Protection des Oiseaux à Augny, où elle compte les spécimens pour constater les dégâts environnementaux, la laissent sur sa faim : « on n’a jamais rien fait pour empêcher le problème ». Elle s’engage alors à Europe Ecologie Le Verts qu’elle défend malgré ses imperfections : « Aujourd’hui, c’est le seul parti qui a une vision globale des choses : l’écologie, qui englobe l’économie et le social ». Son investiture aux législatives de 2017 n’a pas nourri d’ambitions politicardes. Au jour le jour, la presque-septuagénaire enchaîne les dossiers d’arbres coupés et de pneus brûlés trop près des maisons. 

C’est justement pour son tempérament « très proche du terrain et des gens » qu’Irma Vollmer, membre de l’opposition communiste de Montigny-lès-Metz (Moselle), la contacte début 2018 pour enquêter sur Amazon. Sa « ténacité » est liée à l’entreprise « qui représente tous les problèmes actuels ». Presque comme son explorateur favori Alexander von Humboldt entre l’Orénoque et l’Amazon(e), elle creuse le sujet. Et face aux politiciens, « bêtes », elle s’insurge : « Ils disaient que cela créerait des emplois, donc qu’ils étaient pour… Je leur disais : lisez le dossier ! » Depuis, lorsque des élus sont sollicités par des journalistes sur le local controversé, chacun conseille d’« aller voir Marie-Pierre ». Pour être sûr.